All different, all equal !
« Du plus loin que je m'souvienne j’ai toujours préféré les corps médiocres, y compris celui-ci. »
Du haut de son mètre 68 pour 55 kilos, Claire me regarde, ahurie. Claire aime son corps comme d’autres raffolent du chocolat. Se foutant de leur corps. Ou plutôt ne lui déclarant pas la guerre constamment.
Au Petit Palais, l’expo est originale. « Le corps en mouvement ». Peintures, sculptures, dessins illustrent le thème qui se veut être un trait d’union entre le corps et le sport. C’est athlétiquement réussi. Claire apprécie les œuvres, se tortille de plaisir. Elle est dans son élément. Celui de la trentenaire sportive qui entretient sa silhouette. À grands coups de renforcement musculaire, de footing, de crèmes, de « je fais attention à ce que je mange et ce que je bois », elle est la parfaite antithèse de ce que je suis.

« Ces corps musclés, sans un gramme de graisse ça t’agace pas ? Moi, je trouve que c’est trop avec un T de trois mètres
« Mais j’te signale que c’est une expo sur les sportifs. Regarde leurs jambes fuselées, leurs épaules larges ! Quelle puissance ! Pas un pet de graisse. Tu voulais voir les poids lourds de la mal bouffe ?
« Claire, j’te parle pas de ça !
« Ben c’est quoi un corps médiocre pour toi ?
« Le mien
Elle rit.
« Tu trouves ton corps médiocre ?
« Médiocre, c’est juste moyen. Mon corps est moyen et ça me va. Ni trop gros, ni trop maigre, il est là, je fais avec. J’y fais attention mais sans excès
« Pourtant, t’en fais des excès. La clope, l’alcool, les bonnes bouffes, tu crois que tu vas t’en tirer comme ça ! Dans 30 ans, tu ressembleras à rien
« Claire, arrête avec tes sermons à deux balles. Je vais te parler d’un poster, reçu à l’occasion d’une campagne publicitaire. Un homme et une femme. Nus. De dos. Une plage. Ils marchent vers la mer. Je sens à leur posture qu’ils sont en train de bavarder. Lui est noir ; elle, blanche. Il est magnifique. Son corps sculpté, comme tout ce qu’on a sous les yeux, notamment ce botteleur de Perrin. Une merveille ! Ça donne envie de prendre la place de sa compagne, de se foutre à poil et d’aller prendre le large avec lui. Elle, est quelconque. Tu sens que c’est pas une bombe, juste une silhouette banale. Et c’est ça qui m’a séduit. Le contraste entre leurs deux corps. Et tous les deux sont beaux. De manière différente. Ils sont différents et vrais. Le culte du corps m’emmerde aujourd’hui. J’ai tellement aimé cette affiche en noir et blanc d’ailleurs que je l’ai mise dans mon bureau. Et tu sais le titre de cette campagne ? « Tous différents, tous égaux ». Prendre soin de son corps mais sans tyrannie, sans lui vouer un culte. C’est tout ce que j’dis.
« J’comprends pas !
« J’me doute Claire, j’me doute ».