
Monsieur le Président de la FIFA
Je roule vers vous avec les dernières forces qui me restent. Toutes ces années, j’ai été un travailleur exemplaire. Je n’en suis que plus méritant. Oui. Méritant. Ma vie n’a pas été simple. J’ai débuté ma carrière dans des vessies d’animaux. Des vessies ! On me gonflait à la bouche. Oui, Monsieur, à la bouche. J’étais courageux pour accepter tous ces museaux différents. Je ne m’en suis jamais plaint. J’aurais pu éclater. Je ne l’ai pas fait.
Et mon poids ? Surveillé constamment. En début du jeu, aucune surcharge pondérale. Le rêve. Mais les minutes passant, je perdais non seulement des calories mais ma lucidité. Mes trajectoires devenaient étranges. Et ma parure ? J’ai connu le cuir. Je suis devenu synthétique. En 1986. Pour la coupe du Monde. Maradona. Vous vous souvenez ? Quel pied ! Quel talent ! Quel bonheur de répondre à ses avances. Il m’emportait, m’entraînait, me sublimait. J’anticipais, il me talonnait ; il se faufilait, je l’escortais. Nous virevoltions dans une parfaite harmonie. J’aimais ça au-delà de tout. Je l’aimais tant ! Avec cette envie furieuse de finir dans ses bras. Hélas, le règlement l’interdisait et l’interdit toujours. Une fois, une seule fois, j’ai craqué. J’ai touché sa main. Un vrai miracle ! Je ne me suis pas rendu compte de ce que je faisais. Bien sûr, on m’a vu. Mara n’a rien dit. Il m’a protégé. Je lui en suis tellement reconnaissant. Et puis, la couleur est arrivée. En 98. Une autre coupe du Monde. La France championne avec Zidane, j’adorais son crâne. Je m’y suis concentré. Deux fois de suite. Un bonheur !
Aujourd’hui, c’est la douleur qui m’étreint. Mon Diego n’est plus. Je me sens seul. Très seul. Abandonné. Je ne me sens plus capable de continuer, je perds pied. Je n’en ai ni le courage ni la force. Je crains de ne plus être à la hauteur, de ne plus rentrer dans le cadre. Pensez à la relève me direz-vous. Me battre pour le talentueux M’Bappé ? Le prometteur Thuram ? Le beau Pavard ? Oui, ils sont brillants mais ce ne sont pas Diego.
Monsieur le Président, si vous me le permettez, je souhaiterais vous faire part de ma requête. Pouvez-vous me donner le titre de ballon d’Or ? Me poser sur un socle et me laisser rejoindre Diego ? Je vous ai servi toutes ces années, sans gémir. Pour de nombreux joueurs dont je tairai les noms, il m’a fallu du courage et de l’abnégation. J’ai fait du mieux que je pouvais. Il est temps que je me repose. Auprès de Lui.
En souhaitant que ma demande retienne toute votre attention, je vous adresse mes plus beaux buts.