Rencontre

  • Qu’est-ce que tu aimes dans la vie ?
  • La vie…
  • Et ce que tu n’aimes pas ?
  • Pftt… Tu veux la liste ?

Je l’avais rencontré à une soirée. Un truc improbable quand tu as 60 balais et que tu es veuve. Ras-le-bol des invitations où tu joues le nombre impair. Après avoir beaucoup pleuré, j’avais décidé de me remettre dans le sens de la marche. Sortir. Seule. Renouer avec ce que j’aimais. Cinéma, restaurants, concerts. Le plus facile, le ciné ; le plus compliqué, le restaurant. Mais je m’étais surprise à oser. Et ce soir-là, j’avais poussé la porte d’une brasserie de quartier. Peu de monde, ambiance tranquille et il était arrivé. Élégant, le cheveu poivre et sel, plus sel que poivre d’ailleurs, mais beau mec. On l’avait installé une table à côté et je m’attendais à voir débouler en retard mais canon, une super nana. Le genre qui m’énerve. Se pointe avec trois plombes de retard. Joue les surbookées. Vérifie si on l’a repérée et dans les nombreux miroirs du restau à quoi elle ressemble. S’assoit avec effets de gambettes, assez satisfaite d’elle. Je déteste ce genre de bonne femme. Mais, ô surprise, personne. Cela me plaisait bien. Sans savoir pourquoi.

  • Vous êtes seule ?
  • Mon mari est sous la table, il a pas faim.

Franchement, sortir des conneries pareilles à mon âge. Il éclata de rire.

  • Et c’est drôle !
  • Oui parce que je suis très mais alors très très drôle

Et la soirée le fut. J’avais oublié à quel point j’aimais les rencontres. Les plus insolites, les plus improbables. Et celle-ci l’était sacrément.

  • Tu fais quoi dans la vie ?
  • Je vis. Et toi ?
  • Je suis un bienfaiteur de l’Humanité
  • Le journal ?
  • L’Huma ? Non.
  • T’es le fils de Pasteur ? Le petit-fils de Calmette ?
  • J’ai horreur du malheur. Je déteste que les gens souffrent. Alors, je les aide
  • Comment ?
  • Je les tue. Plus de souffrance, terminé, game over.
  • T’es con ou quoi ?
  • Tu vois, je sais être drôle aussi
  • À se tordre. Sérieux, tu les aides comment ?
  • Je les accueille, j’essaie de les réconcilier avec eux, reprendre confiance et avancer

Le thérapeute me plaisait. Séduisant, sympa, de l’humour, intelligent. Si je continuais à le regarder comme si c’était un sapin de Noël alors qu’on était en janvier, j’allais tomber en pamoison. Où était le bug ?

  • Alice, un voyage avec moi, ça te tente ?
  • On part quand ?
  • C’est possible ?
  • Pour faire ma valise, besoin de savoir. Il fait chaud où on va ?