Marion nous a invités à dîner pour nous présenter son nouveau boy friend comme elle aime à dire. Boy friend ? C’est pas risible ? Où entendons-nous ça aujourd’hui ? « Chez Marion » m’a répondu mon boy friend de mari. Et puis, les boys qui ne deviennent plus friends à la fin de l’histoire on en a vu passer quelques-uns ! On a eu droit à un mathématicien, à un danseur de tango, à un écrivain bien méconnu… Marion les aimait, Marion les quittait. Là, on allait voir parce que c’était le pompon ! Son jules était minéralogiste…  

Ce soir-là, Marion était sur son 31 et son minéralogiste sur un autre chiffre. Mais lequel ? Sur quel chiffre es-tu Arnold avec ce beau prénom, ce regard direct, cette main tendue dont tu fais fi en embrassant mes joues, ton sourire éclatant et ce reste que j’imagine ! Arnold, le crois-tu mais un mec minéralogiste, selon moi, ça sent la naphtaline, ça a le cheveu gras et c’est très très chiant. J’ai dû mal comprendre. Tu es ophtalmologiste ? Tu es peut-être gynécologiste… Euh, ça n’existe pas, je rigole Arnold, relaxe… Garagiste, non, tu as de belles mains… Mais qui es-tu Arnold ? Perdue dans mes pensées, je ne suivais pas la conversation. Je classais l’affaire, c’était une erreur. Je me demandais à quoi il pouvait bien passer ses journées quand j’entendis « Dis-moi Charlotte, est-ce que tu aimes les minéraux ? ». Manifestement très éprise, Marion le regardait comme s’il arrivait direct de l’espace avec des cailloux plein les poches, mon mari souriait et moi, moi, qu’allais-je dire ?

« Les minéraux Arnold ? Minéraux, le pluriel de l’eau minérale ? Euh, non, Arnold, désolée. Je n’aime pas les cailloux, mon chou et non seulement, je ne les aime pas, mais je m’en fous, je dirais même, je m’en contrefous mon p’tit loup ! » Là, trois paires d’yeux m’ont mitraillé et pas d’admiration ! Même moi, je me demandais ce qui m’avait pris ! Je le connaissais à peine, il était charmant ! J’ai senti que nous n’étions plus à Paris en août, que nous avions passé les frontières, que nous étions arrivés en Sibérie avec une température intérieure de moins 8000 ! Du coup, je me repris « Arnold, je plaisante, j’adore les pierres, les bons gros cailloux, pas les pavés avec lesquels j’ai fait mai 68, non j’aime les bons gros, très gros cristaux, le quartz, le granit… Toutes ces couleurs, toutes ces pierres si précieuses ! Et les météorites ? Incroyable ! J’adore. Vraiment. Y’a pas une expo prévue ? C’est tellement tentant.  T’es peut-être au courant Arnold, non ? ».