Swing à Paname
Chui tristounette. Pourtant, une soirée avec Juliette, c’est toujours chouette. On adore trépigner dans les caves parisiennes. L’ambiance y est euphorique et joyeuse. La jeunesse se grise. Peur que tout bascule ? Trouille du temps qui passe ? Chai pas. M’en fous. Juliette, elle, craint rien. Se moque du lendemain. J’la vois. Elle swingue avec Léo. Formidable partenaire. Toutes les nanas se le disputent, prêtes à s’entretuer pour tournoyer dans ses bras. Juliette n’attend jamais. Quand elle le décide, le tire sur la piste. Pas encore par les cheveux mais avec elle, tout est possible. J’adore ses audaces. Danse Juliette, danse !
J’guinche bien aussi. Ce soir, non. Pas envie. J’attends. Chui à l’affût. J’espère. J’poireaute. J’moisis. Peu d’espoir. Pourtant j’aimerais que quelqu’un arrive. Qu’il arrive. J’le vois souvent. Jamais accompagné. Séduisant. Très séduisant. C’est louche. Ça m’intrigue. Un beau mec seul ça fait cogiter. J’en ai parlé à Juliette. Elle a ri. L’a repéré aussi. Forcément. Elle le trouve, quelle expression a-t-elle employé ? À croquer. Ouais, c’est ça. À croquer. Et moi, j’ai envie d’le dévorer. Tout ce que j’chai faire, c’est le dévorer des yeux. Mon regard se trimbale de Juliette sur la piste à la porte qui s’ouvre sur les fêtards qui déboulent. Je guette, je le guette. Et Saint-Germain vibre, toujours en fête. Qui a dit « Paris est une fête » ?
Enfin ! Il est là. Seul. Je ferme les yeux. Je l’imagine. Se dirigeant vers le bar, commandant un whisky sec sans glace, sortant son étui à cigarettes, en extirpant une blonde, l’allumant puis regardant autour de lui tout en soufflant la fumée. Je devine les volutes. Je peux ouvrir les yeux et sourire. Mais je grimace. Pas prévu ça. Juliette. À ses côtés. Qui parle. Mais que peut-elle bien lui raconter ? J’entends pas. Trop éloignée. Et puis de toute manière, avec cette musique, impossible d’attraper les mots. Juliette tient une véritable conversation. Il l’écoute attentivement. Je n’en reviens pas. Elle s’approche et chuchote à son oreille. Je suis mal. Je vais m’enfuir. Juliette ose. Moi, je contemple. La vie, les gens, les choses. Je voudrais détacher mon regard du tableau qu’ils m’offrent. Je dois partir. Je reste soudée à ma chaise. J’ai mis une belle robe, laissée mes épaules nues, soignée ma coiffure, mon maquillage. Pour lui. Je suis ridicule. À en pleurer.
Ils regardent dans ma direction. Juliette continue de causer. Et lui de s’intéresser. Je suis incapable de bouger. Il me dévisage. Il salue Juliette. Il va filer. Non. Il vient vers moi. Il est là. Me sourit. Me tend la main. J’hésite. Le regarde. Et puis, tout simplement, je la prends.
