Vivre pour vivre !

Une grève dans son école me conduit à la garde de mon petit-fils

Pierre, 8 ans bientôt, lit une BD. Il est beau et gentil. C’est plutôt chouette. Il lève la tête, me sourit, se lève, vient vers moi et me demande « Il est où Papounet ? ». Il est sérieux. Il sait. La question est ailleurs. Plus profonde. Je le regarde. Il soutient mon regard. Je ne sais pas quoi lui répondre. Et c’est à ce moment-là que j’entends « Dis Mamounette, pourquoi qu’on vit et pourquoi qu’on meurt ? ». Le temps s’arrête.

« T’as entendu ? » Ben oui, j’ai entendu et même compris mon grand mais tu me prends au dépourvu. Je déteste les grévistes du mardi. J’ai envie de lui citer la phrase  d’Alphonse Allais « Ne nous prenons pas au sérieux puisque de toute façon on n’en sortira pas vivant ». J’le fais pas. Faut quand même pas déconner. Mais qu’est-ce que je vais dire, lui dire, qu’il va comprendre sans flipper.

Je cherche. Parler de Dieu ? Du big bang ? D’un après possible ou pas ? Je ne sais pas.  Lui dire « T’as bien le temps de penser à ça, t’es jeune ». Surtout pas. J’aurais honte. Il attend. La patience, son grand atout. Pas le mien. Il enfonce le clou « Est-ce que tu crois à la réincarnation ? Papi est p’tête un chat ».
Là, j’ai envie de rire. Il détestait les chats. J’ris pas. Je lui propose d’aller nous balader. Il accepte. Dans le parc, on marche main dans la main. Je crois, j’espère qu’il a oublié sa question. « Alors, tu me réponds ? ». Ben non. C’est toujours là.  Il insiste « Alors ? »

« La mort, ça sert à vivre. » Il me regarde, étonné. « La vie a de la valeur parce que justement elle est fragile et souvent difficile. Vivre, c’est magnifique. Découvrir le monde, être amoureux, rencontrer des gens, avoir des amis, faire la fête, rire, se passionner pour plein de choses. Voilà pourquoi j’aime vivre et que j’aime la vie. Mais elle donne des coups aussi. Et les coups on les prend qu’on le veuille ou non. La mort fait partie des coups, des sales coups. On n’a pas le choix. Une fois qu’on est là, on sait que ça finira un jour alors autant essayer d’être heureux ». 

J’ai dit ça tranquillement. En marchant. Mon rythme sur le sien. Je glisse un œil sur sa petite frimousse. Il est concentré. Il digère. Mon Dieu, fais que je n’ai pas été maladroite. Il lève sa tête vers moi. J’ai envie de le serrer fort. De lui dire « Mais mon chou, la mort ça n’existe pas, on a toute l’éternité devant nous ». J’vais quand même pas pleurer.

- Dis Mamounette, t’as connu les dinosaures ? 
- Mais bien sûr, qu’est-ce qu’on a pu rigoler avec les vélociraptors. On faisait beaucoup de vélo.


Il éclate de rire. J’adore ce môme.