C'est bien moi sur la peinture ?

C'est moi  ? C'est vraiment moi ? Mais comment me voit-il ?  Flirter avec un peintre pour coucher avec un artiste, je trouvais cela terriblement excitant… et surtout très rare…

« Tu vas voir m'avait-il dit, je vais faire ton portrait comme personne ! » C'est sûr. Il l'a fait comme personne ! Déjà parce que personne ne m'a jamais proposé de me coucher sur une toile. Dans un lit, oui, sans problème. En revanche, sur une toile, ce n'est pas tous les quatre matins. Seul, un jules m'avait dit, il y a quelques lustres « Ah ! Si Renoir t'avait connue !! » Il soulignait mes formes sur lesquelles, à mon grand regret, le peintre ne s'est ni penché ni couché.

Mais c'est vraiment comme ça qu'il me voit ? D'accord, hier soir, on a fumé du tabac rigolo et bu un verre, puis un autre et d'autres ont suivi...Beaucoup. Et de verres en fumette, je me suis retrouvée chez lui. Excitée comme huit puces, j'attendais le lit avec impatience dans une espèce de coton doux. Mais voilà, en guise de lit, j'ai eu le tabouret. Moins excitant. Tabouret sur lequel il m'a demandé de rester tranquille. Là, c'était beaucoup plus difficile. Et puis, il a sorti sa palette d'artiste. Et que j't'mets du jaune et que j't'ajoute du rose et que je te fasse des mélanges. Il barbouillait, ma tête et mon estomac l'étaient aussi. Et quand il m'a montré son œuvre, j'ai pensé qu'il avait réussi une seule chose : la couleur de mes yeux. Sûr qu'ils  devaient être de cette couleur après les délires nocturnes. Ma bouche ? Disparue !! Alors qu'elle est jolie cette bouche… Il ne l'a même pas vue… Pas d'oreille, passe encore mais pas de cheveux. L'horreur ! Il m'a faite chauve… Disparues mes boucles couleur de feu… J'aurais dû chanter moi qui aime tant la musique… Tiens, j'aurais dû lui proposer d'intituler son tableau « La cantatrice chauve »...

Mon regard allait de la toile au roi du pinceau. J'ai bredouillé des « oh » et des « ah » avec l'envie de dire « Mais tu sais qu'en petite section de maternelle, on apprend aux mômes à faire des bonhommes. Si, si… Et tu as tout à fait ta place ! La maîtresse aura certes un peu de travail parce qu'à part les yeux, tu débordes vachement ! » Mais je n’ai rien dit et j'ai quitté Picasso. Il m'a crié « N'oublie pas le tableau ! » Que nenni, l'artiste ! Je l'emporte, je vais prendre un pinceau, me rajouter des cheveux, un vrai nez, une belle bouche et des oreilles. Mon cou, j'm'en fous. Sans plaisanter, c'est bien moi sur la peinture ?