Ouvrons les fenêtres !

« Claire, comme je viens de le dire à ta maman, il faut que tu travailles cet été, tu en as besoin. Je lui ai conseillé le cahier de vacances. Tous les matins, je veux que tu fasses une page. Cela va t’aider pour bien commencer l’année prochaine en CM1. Tu sais, c’est une classe difficile. Il faut que tu révises tous les jours. Nous sommes d’accord ? »

Ben non. J’suis pas d’accord avec Toi. Et puis, j’t’aime pas. T’es une femme méchante. T’aimes bien blesser les enfants, leur dire qu’ils sont bêtes, stupides, pas intelligents. Tu punis quand on est en retard et toi, t’es jamais à l’heure. Tu arrives avec ta thermos de café et tous les matins, je guette un faux pas. Je vois le café se répandre sur ta robe affreuse et je t’entends hurler ! Tu te brûles. Ça m’ rend heureuse. Aux anges. Mais un truc inespéré s’est passé ! Pas d’école depuis le 16 mars. Incroyable ! Un tout petit microbe, un truc tout petit, tout rouge, aussi vilain que toi m’a sauvé de tes griffes, de tes ongles longs et recourbés qui aiment pincer les joues des enfants qui ne comprennent pas tout le même jour. J’y croyais pas. Quand j’ai compris que c’était pour de vrai, j’ai chanté et dansé de joie. La tête de mes parents m’a stoppée net. Ils étaient désespérés. Plus d’école ? Mais qu’est-ce qu’ils allaient faire de moi ? M’occuper mais comment ? Et eux travailler, d’accord mais où ? J’avais le même problème : jouer mais où ?

Malchance, je t’ai vu. La technologie moderne. L’école par Internet. T’entendre une heure trente contre les six habituelles était supportable. Et puis, si je te voyais, tu ne me voyais pas. Combien de fois je t’ai tiré la langue ? J’sais plus mais beaucoup. Quand l’école a repris, j’y suis pas allée. Merci Papa, merci Maman. J’ai continué à lire, à inventer des petites histoires, à monter des spectacles avec mes grands frères… J’ai fait de la peinture, j’ai appris à cuisiner, j’ai planté des fleurs dans le jardin.  Et tu voudrais que je fasse un cahier de vacances ? Non. J’suis pas d’accord ; j’t’aime pas.

« Dis, on va faire comme elle a dit ? » Ma mère est une merveille. Elle me regarde, éclate de rire « J’ai laissé parler cette dinde. Non, ma poulette, on va pas se pourrir l’été avec ces conneries. On va pas engraisser Nathan. Et pas besoin de Passeport non plus. Le passeport, on le prend pour aller dans la vallée de la Dordogne. Tu vas pas réviser, tu vas découvrir, comprendre, apprendre ! Tu vas voir, c’est beaucoup mais alors beaucoup mieux. »