Le sacre de Saumur !

Nous étions prévenus. Nous savions qu’un week-end aux petits oignons nous attendait mais ce que l’on ignorait était la qualité de l’oignon. On connaît le blanc, le rouge et le jaune, on en fout un peu partout dans la cuisine au regard de leurs vertus dont l’essentielle est son peu de teneur en calorie. Mais ce week-end-là, les oignons étaient de toutes les couleurs et pour le coup très mais alors très caloriques et surtout, contre toute attente, pour des oignons, euphorisants.

Petit patio chez Gaspard ! 

Vendredi après-midi, Isa, Jean-Luc, Christophe et moi roulons tranquillement vers le Maine et Loire sans évoquer plus que ça le week-end qui nous attend. Nous sommes simplement heureux d’accompagner l’entrée de Sylvie et de Chris dans cette nouvelle dizaine. Et saluer cette dizaine-là, c’est pas rien, parce que ce « 6 » quand même … Mais bon, il est mieux dans ce sens que renversé, non ? Allez, ne nous mettons pas en vrac. En tous cas, nous sommes fin prêts à rejoindre une petite quarantaine d’amis de nos deux jeunes sexygénaires. Il y a ceux que je connais, ceux que je vais découvrir et tant mieux. J’adore les rencontres. Après trois cents bornes de « bla-bla-bla », nous voilà enfin Saumuriens. Sur la feuille de route, on doit atterrir « chez Gaspard » pour un check in. J’adore ! « check in ». Class, non ? J’adore aussi le prénom Gaspard ! C’est rare d’en trouver sous son sabot. Y’en a un qui m’agace particulièrement, c’est le Proust -non pas Marcel mais Gaspard, on essaie de suivre lecteur…- et j’ai tiqué quand le Ulliel s’est fracassé en janvier dernier. Bref, laissons ça de côté et revenons à notre Gaspard, celui de la maison puisque nous sommes logés à la « Maison Gaspard ». Le gars qui nous accueille, nous conduit dans notre petit nid pour deux nuits. L’endroit est chouette, deux chambres continues, chaque couple prend la sienne sans s’embrouiller. Moi, je lorgne la déco, la salle de bains avec la baignoire sabot. Ok, un peu de sport pour entrer en lavage mais tout est joliment décoré. Y’a la télé, super ! Christophe aura ses jeux ; j’avise une cafetière et des capsules, Isa aura son café donc devrait être au taquet rapidos. Tout commence bien et je me dis que les deux ont pensé l’accueil de leurs amis ce qui n’est pas rien. Vite, il est 19h. On doit se rendre à la maison du Chris. Vite ! Filons. Point. À la ligne !

 

Et nous voilà en quelques encablures devant la maison. À l’exception, que dans ma représentation mentale des maisons, et ben ça, c’est pas une maison. Donc je recommence : "Et nous voilà en quelques encablures devant la bâtisse". Là, c’est mieux. Toquons à la porte puisque cela semble être là, montons quelques marches et entrons donc. Dès le seuil franchi, mes yeux s’écarquillent de manière inquiétante. Je viens de remonter le temps de plusieurs siècles. Je suis dans un château. Y’a-t-il un châtelain ? Une châtelaine ? Un Roi ? Une Reine ?  Y’a quelqu’un ? C’est quoi ici ? On est où là ? Une pièce immense qui dessert un patio ou une cour. Qu’est-ce qu’on dit dans ces cas-là ? J’sais pas. Jamais entrée dans un truc pareil. J'suis persuadée que le seigneur et pas des anneaux va surgir sur son cheval et demander aux manants de déguerpir avant d’être embrochés ! Mais non, je vois simplement arriver tout souriant l’heureux propriétaire du lieu. Beaucoup de copains sont arrivés. Et là, c’est parti pour les présentations. On se connaît pas mais quelque chose se passe. Magie du lieu ? Va savoir. Moi c’est Martine ; et moi, c’est Jeanne ; moi, c’est Pascal ; moi, c’est Sandrine la sœur de Lolotte ; Moi, c’est Bruno le compagnon de Sandrine qu’est la sœur de Lolotte et marié à Lolo. Stop ! J'peux prendre un papier et noter ? Et voilà la Sylvie, rayonnante. On s’embrasse. On se dit qu’on est contents d’être là. Et pour le prouver, le son du premier bouchon de champagne donne le tempo. Pas le temps de boire (d’abord, j’ai pas encore de verre) puisque le proprio me propose de visiter. « Mais bien sûr. Est-ce qu’on va à pied ou une carriole vient nous chercher ? » « Non, on va prendre l’escalier » me répond Chris. Je me demande lequel vu qu’il y en a plein. Des qui descendent, des qui montent, des à un endroit, des à un autre. C’est la maison des escaliers. Je pense que si une partie de cache-cache était proposée, on pourrait rester quinze jours avant de trouver tout le monde. D’ailleurs, on serait obligé d’hurler « Sortez de vos cachettes, on est vendredi 1er septembre, c’est fini, on a bien ri, il est temps de retourner dans vos cabanes ». Nous voilà partis. Je fais des « Oh » et des « Ah » qui vont énerver tout le monde. D’ailleurs, les pierres me le font remarquer « T’as pas d’autres mots pour nous qualifier ? » Euh, non, désolée. Je découvre la cuisine d’hiver vu que Chris m’a montré la cuisine d’été. La logique est respectée. Si y’a une cuisine d’été, c’est que forcément, y’a une cuisine d’hiver. Et pour le printemps et l’automne hein ? Ben, y’a rien. Tout est grand et démesuré, magnifique et majestueux. La pierre est belle, l’endroit n’est pas fini, y’a encore plein de travaux à faire, c’est pas pour ce week-end, ouf ! Et si on allait rejoindre les copains hein ? Boire un verre pour arroser tout ça, qu’est-ce que t’en dis mon gars ? « Non, répond Chris, y’a une chose à voir, la cave, la petite et non la grande». D’accord, donc tu as deux caves, ce qui m’étonne pas et tu vas nous en montrer une. Je vois pas bien pourquoi mais après tout, le gars est chez lui, c’est son anniversaire, il fait ce qu’il veut, j’veux pas paraître mal élevée donc allons nous perdre dans sa petite cave. On descend un escalier ce qui ne me surprend pas non plus et là, quelques volées de marches plus bas, j’avise deux grandes tables sur lesquelles sont placées non pas de bonnes bouteilles de vin mais des bouteilles de bon vin. « Voilà ce que vous pourrez boire ce week-end. Choisissez ce qui vous fait plaisir. Les blancs sont là, les rouges aussi, les noms sont dessus, servez-vous ! » Déjà, je me demande si je ne vais pas m’asseoir. Où est-ce que tu vois un mec dont c’est l’anniversaire mettre du vin haut de gamme à disposition des copains. Je le répète. Jamais vu ça. Pourtant, je ne suis pas née de la dernière couvée. J’ai quelques heures de vol à mon actif. Mais ça, vraiment, jamais vu. Je suis entrée dans la 8e dimension. Il me faut une coupette de bulles ! Vite ! Je trouve un verre dans une pièce extra de chez ordinaire et c’est parti pour une soirée délicieuse où ça rit, ça boit -forcément- ça chante, ça danse et ça se couche pas tard parce que demain nous annonce Sylvie, on a un emploi du temps à respecter. D’accord. Je vais me coucher. Les quatre mousquetaires que nous sommes parlons mais pas longtemps. On ferme les meurtrières. Personne ne va balancer de l’huile sur les manants. On dort. Point à la ligne !

 

Samedi midi. Le marché à Saumur. Je vais le faire. « Mais non » dégaine la jeune sexygénaire. On a un timing. Tu fais pas le marché. On mange et après on fait du vélo. T’as compris ? » « Oui, Dame Sylvie, ne m’enferme pas dans les oubliettes du château du Sieur Chris. J’vais pas au marché, j’m’assois, j’ mange, j’mets les mains sur la table, j’plie ma serviette en papier de couleur verte et est-ce que je peux me lever de table s’il te plaît ? » « D’accord. Est-ce que tu es dans l’équipe qui gonfle les ballons ? » « Euh, je sais pas, j’ai oublié » « Très bien, comme punition, tu vas monter dix fois l’escalier au pas de charge ! » Moi, je veux bien mais je sais pas vraiment lequel choisir et en guise de montée de marche, je choisis un vélo électrique. À chaque vélo, un ballon est attaché. La joyeuse colo est prête pour une balade. Rien n’est laissé au hasard. Une halte est prévue au milieu des vignes. « De l’eau ? Plate ? Pétillante ? du Rosé ? du Rouge ? » demandent les copains qui font le service. Si ça c’est pas de l’organisation, j’sais pas ce que c’est. Après une chouette promenade et les vélos rapportés, on a quartier libre. « Je veux tous vous voir à 18h30 à la distillerie Combier. Pas de retardataire annonce Sylvie sinon écartèlement sur la place du village demain matin 8h. Compris ?» Nous on a tellement bien compris qu’on est dans les starting blocks. On file dans une cave, on goûte de bons vins, on en remplit le coffre de la voiture et hop, retour chez Gaspard et là, on devient les Speedy Gonzalès de la douche, du maquillage pour nous les filles, du coiffage pour nous trois excepté Christophe, de l’habillage chicos, c’est samedi soir et puis y’a un photographe donc on se la joue élégance et à 18h30 pétantes, on est sur le lieu du rendez-vous « la distillerie Combier ». Et c’est parti pour un cours sur l’histoire de la distillerie et de son créateur, Jean-Baptiste. La poulette qui nous cultive nous explique la vie et l’œuvre de ce fameux Combier qu’a inventé le triple sec qui l’a rendu célèbre partout sur la Terre. Elle nous dit même qu’à 19 ans avec sa femme, le Jean-Baptiste, qui était maître chocolatier crée sa liqueur. Moi, je me fixe sur ce qu’elle vient de dire : marié à 19 ans et de son alambic sort un triple-sec. C’est t’y pas beau quand on est jeune marié ? Bravo ! J’applaudis mais je vais pas déguster sauf les petits fours. Et d’un coup, que vois-je ? Un autobus. Un grand grand autobus, rien que pour nous. Mais c’est quoi ce week-end. C’est quoi ? « Ne réfléchis pas, monte et point à la ligne » me dit mon Christophe. Oui, je monte et oui, point. À la ligne !

 

Je me souviens de l’annonce faite au groupe et pas qu’à Marie dans la journée. Chris nous a demandé si personne ne craignait l’altitude. Donc, forcément, dans le car, on suppose démesurément. «On va faire de la montgolfière » « On va manger dans le château le plus haut du monde » « On va sauter en parachute ». Christophe essaie de repérer des grosses montagnes, voire des hautes, genre Mont Blanc ou Everest avec un restau dominant le sommet. Mais bon, on est dans le Maine et Loire et en matière de montagne, c’est plutôt calme. C’est Jean-Luc qui intervient, façon Sherlock. « Moi, j’vous dis, il nous met sur une mauvaise piste. Faut chercher autrement ! » D’accord, faisons le pas de côté. « On va peut-être manger dans une champignonnière ? » « Dans des maisons troglodytes ? » Non, pas possible ! J’suis claustro et j’ai peur du noir -Ah bon ?-  et puis de roue dessus en roue dessous, nous voilà arrivés au bord de Loire. Pas trop envie de plouffer de toute façon, la Loire c’est dangereux, j’ai appris ça à l’école, et j’ai pas mon maillot ! Mais que nenni ! On va pas plouffer, on va monter dans un bateau et manger sur l’eau. Mais c’est pas dingue ? C’est pas dingue ? Et le Gérald, gentil photographe qui nous suit depuis ce midi, bombarde notre petit monde qui déguste entre autres un vin exceptionnel dont il faudra se souvenir. Je demande à ma mémoire immédiate de balancer tout ça vite fait dans la mémoire à long terme parce que oui, si on oublie ça, c’est à désespérer. Donc, je ferme les yeux, j’en oublie de regarder sur l’Iphone, la finale de la Champion’s ligue, me fout de savoir qui va gagner bien que j’ai un faible pour Manchester et je savoure. Le vin, l’ambiance, les gens, la vie ! Et d’ailleurs je pense à Édouard Baer et j’ai envie de me lever et de déclamer « Merci la vie, je chante la vie, je danse la vie ». Mais je reste assise et point. À la ligne mais pas celle de la pêche.

 

Mais on est pas au bout de nos étonnements. Chris et Sylvie le répètent à tours de bras. Y’a plein de surprises. Je me dis que d’habitude, c’est le contraire. Les surprises sont pour les gens dont c’est l’anniversaire. Mais là, ils ont bousculé les coutumes. D’accord, alors, donc Sylvie et Chris, y’a encore une surprise ? Ça en fait pas mal quand même ! Moi, perso, je m’y suis faite depuis le début et là, maintenant, j’cherche plus. J’m’attends à tout. Isa, elle, renonce pas. Elle me balance qu’il va y avoir un feu d’artifice. Je la regarde étonnée. Un feu d’artifice dans le château ? Putain, la grande classe ! Nous voilà tous devant la bastide. Sylvie et Chris sont sur la première marche, se retournent sur leur peuple, nous comptent et sourient. On est tous là. Personne ne s’est noyé, personne n’a sauté du bateau, personne n’a raté le car, personne n’est parti faire pipi, non, tout le monde est présent. Alors, Chris toque à sa porte. Là, j’ai envie de rire. Il attend que Cassandre vienne ouvrir et se courbette devant lui « Vous rentrez Monseigneur ! Avez-vous bien festoyé ? Pendant votre absence, j’ai lavé à grande eau la cour de la timonerie, c’est propret, entrez donc avec votre dame et vos gens ». Je sens que j'vais aller lui taper sur l’épaule, lui dire de se calmer et d’ouvrir sa grande porte quand celle-ci s’entrouvre et qu’une musique nous parvient. « Un feu d’artifice en musique » me souffle Isa. J’m’apprête à lui dire d’arrêter de jouer avec son histoire de feu quand j’entends mon Christophe hurler « Non, c’est pas vrai ! » Bon, fallait bien que ça arrive ! Des brigands sont entrés, ont sifflé toutes les bouteilles, vont violer les femmes, les hommes, on va tous brûler sur le bûcher ! Mais là, ça se passe pas comme ça mais alors pas du tout comme ça. J’avance et découvre à mon tour. Des musiciens, nos amis musiciens sont là et qui chante ? Qui fait « la la la, la la la , yo yo yo » ? Noëllie, la fille de Jean-Luc et d’Isa. Isa, Isa, oh, Isa, calme-toi. Mais Isa ne se calme pas. Isa est propulsée direct dans la galaxie de l’impossible. Et là, c’est même pas une vague qui la submerge, c’est un tsunami. J’me dis que ça serait ballot qu’elle meure là maintenant parce qu’on n'a pas fini le champagne. Ah, l’émotion, l’émotion ! Ces putains d’émotions qui jalonnent la vie. Et Christophe qui essuie ses yeux pendant que Jean-Luc renifle. Ils vont me faire pleurer. Non. Pas possible, j’suis maquillée. J’veux pas d’un visage en relief. Sylvie et Chris se régalent. Ils ont surpris tout le monde. Ils sont fiers d’eux. Moi, j’ai envie de les applaudir. Ils ont une générosité et une ingéniosité énormes. J’ai jamais, jamais vu ça. Point. À la ligne.

 

La soirée … La soirée… « Alors t’écris quoi ? » me demande le clavier impatient. Oui, que vais-je dire ou écrire ? J’sais pas bien. Tout est surréaliste, incroyable. Je me dis qu’on devrait être sur Terre pour des moments comme ça. Loin des fous, des tourments, des cinglés, de ceux qui disent, de ceux qui font pas, de ceux qui mettent les autres à genoux. Oui, voilà, le sens que l’on devrait donner à sa vie. Être dans le partage, dans les rencontres, dans la connaissance, dans le beau. C’est quand le bac philo ? J’veux un sujet comme ça : « C’est quoi le bonheur ? Est-il arrivé pour vous à la bonne heure ? » Alors, je répondrai qu’il était là le 9 juin et je raconterai l’histoire de deux personnes qui, pour leur anniversaire, ont fait de jolis cadeaux à leurs amis. Je féliciterai aussi le talent collectif qui a animé tout un groupe le temps d’un week-end en juin 2023.

 

 

 

©Candau - Chri&Syl

 

 

 

 

Alors, les surprises ?
Elles n'étaient pas au top ? 

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Commentaires

Marie Claire Bretonneau
il y a 2 ans

Merci Brigitte pour ces mots vivants, marrants et émouvants. L'envie , le partage, le plaisir sont des ingrédients essentiels pour un anniversaire aux petits oignons.

Christophe candau
il y a 2 ans

C'est malin d'ecrire des mots qui font pleurer, Pleurer de joie je te rassure. Tres content d'avoir pu partager ce moment avec toi et toute ta troupe. Au plaisir de se revoir bientot.

Pascal et Martial
il y a 2 ans

Que dire après ce déferlement de mots juste à point qui constituent ces phrases exceptionnelles comme jamais, qui constituent elles mêmes une véritable histoire, non, un extraordinaire conte ... pas de fée... mais fait de moments magiques remplis d’émotions, de bonheur, de belles rencontres... Merci Brigitte de nous avoir fait vivre à nouveau ce week-end anniversaire (de Sylvie et Chris) qui restera dans nos mémoires. On espère à très bientôt. P & M

Patricia
il y a 2 ans

Ben moi, j'y étais pas ! Et je me dis que c'est bien dommage...
A lire le texte et ses commentaires, on comprend que ces journées d'anniversaire ont pu entrer directement au Panthéon des belles journées, inoubliables !...