Bienvenue !
Mais quand vais-je débarquer ? Ils font pourtant tout pour. Faut les voir se démener en long, en large et en travers. À en attraper des lumbagos. Mais ils sont jeunes, ils s’aiment, ils aiment l’amour, le faire et me désirent. Moi aussi. J’ veux ces parents-là. Ce sera eux ou personne. J’en fais une obsession. Le temps file ! Je me décourage. Enfin, on annonce ma venue ! Au printemps ! J’en fais des galipettes de plaisir ! Cesse rapidement. Je veux qu’ils découvrent ma frimousse en premier, pas mes fesses. Et au mois de mai, je me pose tranquillement. De la joie, du bonheur, y’en a en pagaille. Ils sont heureux, fiers d’eux d’avoir réussi une p’tite poulette ! J’me porte à merveille, gazouille et les contemple. Ils sont comme dans mes rêves. J’ai envie de les embrasser, de les remercier de m’avoir imposé la vie.
Je découvre la famille italienne de mon père. Ma grand-mère conte à tout le quartier d’italiens que ma mère reviendra de la maternité avec un garçon. Elle précise même le prénom "Bruno". Pas de chance, ce sera Brigitte. Elle cache sa déception qui sera de très courte durée dans un plat de pâtes faites à la main. Le plat du réconfort, de la consolation. Un décès, une naissance, un mariage dans notre quartier se célèbrent avec des pâtes. Le goût pour la cuisine italienne est-il venu ce jour-là alors que j’étais suspendue au sein de ma mère ? Peut-être.
Mes grands-parents maternels, une autre chanson. L’Italie, connaissent pas ; la banlieue encore moins. Parisiens, ils comptent ne pas dépasser les frontières de la capitale. Et surtout, ils ambitionnent autre chose pour leur fille. Ils ont le prétendant qu’il faut, issu d’une belle famille comme ils se gargarisent, avec un nom à tiroirs et à rallonges. Ma mère s’en débarrasse en deux temps trois mouvements et lâche une bombe : un fils d’émigrés italiens et divorcé l’attend. Le choc est aussi violent que la réaction : des remontrances, des discussions longues comme trois jours sans télé, des menaces, les disparitions en fumée des peintures et dessins croqués par ma mère. Elle ne cède pas. Leur défaite est sans appel. Leur fille veut se marier ? Et bien, qu’elle le fasse. Mais sans eux.
Trois ans plus tard, ma mère envoie un ultimatum. Dernier appel pour faire les présentations. Qu’est-ce qui les décide à accepter ? Le regret de ne plus voir leur fille unique ? L’envie de goûter un plat de pâtes dans un quartier avec plein d’Italiens qui vivent comme Cavanna le décrit si bien ? Je ne sais toujours pas aujourd’hui. Et c’est un dimanche en banlieue que les rencontres et les retrouvailles ont lieu. La cuisine Italienne ça change des restaurants chics parisiens où on sert pas de « nouilles » comme aime à dire mon grand-père.
Le temps de la réconciliation : je regarde ma famille partager pâtes et boulettes de viande. Je baille, vais m’endormir. Vite, un dernier coup d’œil : mes parents sont là, si beaux, si heureux. Et puis, mon frère va arriver. Je l’attends, je l’aime déjà.
