- Claire, qu’est-ce qui est le plus précieux pour Toi ?

- Précieux ?

- Oui, ce à quoi tu tiens le plus au monde de ta vie

- Toi

- Arrête. Sois sérieuse. Et Pierre ?

- Oui, Pierre et Toi. Si je te perdais Marion, je ne m’en remettrai pas. Je serai désemparée. Mon amie Patricia, j’y pense tous les jours. Quand elle est partie, j’ai fait un texte pour ses obsèques. C’est un plongeon dans le temps, émouvant, difficile. Reviennent les anecdotes, les moments partagés, les discussions passionnantes. Des souvenirs précieux. Et sur mon frigo, quelques-unes des cartes qu’elle m’envoyait régulièrement. Qui aujourd’hui reçoit encore des cartes postales déposées par le facteur ? Moi. Tu vois Marion, mes amies en général et Toi en particulier êtes des petits joyaux qui m’apportez énormément. J’aime ce que l’on partage comme en ce moment. D’ailleurs, d’où tu sors cette question ?

- Une émission que j’écoutais récemment. Du coup je me suis interrogée

- Et ?

- Mes bébés de 35 balais mais c’est banal de dire ça

- Ben non, on n’est pas obligés d’aimer ses enfants

- N’importe quoi ! Si t’en avais, tu dirais pas ça

- Donc pour parler, donner son avis sur quoi que ce soit, il faut maîtriser le sujet ? C’est ça ? Ben ma cocotte, y’aurait pas grand monde qui pourrait discuter. Mais va pour tes grands petiots. Et ?

- La liberté, Claire. Ce qui se passe dans le Monde aujourd’hui m’effraie. Qu’a-t-on fait, quelles erreurs ont été commises pour que la démocratie s’effondre ainsi et que l’extrême droite avance et prenne le pouvoir ? Les régimes totalitaires me terrorisent.

- Oh, on n’en est pas là

- On se prendra quand même une grosse claque si ces connards d’extrême droite arrivent au pouvoir. La Chine, la Russie, la Corée du Nord, l’Afghanistan. Regarde le sort des femmes Afghanes, ces interdits de plus en plus fous. Je me surprends à souhaiter la mort de tous ces cinglés de Talibans. Jamais je n’aurais cru que je dirai ça un jour. Je suis née du bon côté. Je mesure la chance que j’ai. Je ne m’en suis jamais autant rendu compte qu’aujourd’hui. Je suis une femme française, une femme libre. Et si ça c’est pas précieux, rien ne l’est. Tout m’est permis, tout m’est accessible : éducation, art, musique… Jeune, je pensais que les choses et les chances étaient exactement les mêmes pour tous. L’école, des études pour un métier attirant. J’étais d’une naïveté !

- On l’était dans les années 80. Au siècle dernier ! Putain, ça fait peur de dire ça. Tu crois qu’on est vieilles ?

- Bah, on n’est plus des jeunes premières et nous sommes tous les deux précieuses pour ceux qui nous entourent, enfin, j’espère

- C’est pas un peu ridicule de dire ça ?

- Nous sommes précieuses mais absolument pas ridicules 

- Ce n’est pas nous les précieuses ridicules. J’ai des noms. Tu les veux ?

- Je pense qu’on a les mêmes. Commence pour voir !