Tout fout le camp !

Ce matin, mon ado de 16 ans apparaît au ralenti se traînant à la table du petit déjeuner. J’ai envie de l’attraper et de le couvrir de gros bécots. Je me retiens. Déboule sa sœur. Le verbe lui convient à merveille. C’est une bourrasque de fraîcheur. Elle m’enveloppe de ses bras, de ses baisers, je lui rends. J’adore mes bébés. Je leur dis.
- Si tu nous aimais vraiment, tu fumerais pas dès le matin !
Elle a raison. Il est 8h, je déconne.

Ils s’apprêtent à se rendre au lycée et moi dans mon bureau, télétravail oblige. Pierre attrape son sac, nous borborygme un « Salut » quand je l’arrête.
- Tu vas où bel enfant ?
Il me regarde comme si j’arrivais direct de la planète Abrutie.
- Ben Maman, il a cours à 8h30
- Merci pour ta participation Anna. Tu y vas comme ça, tu es sûr ?
- Tu veux que je mette un costume ?
- Pierre, regarde-toi dans la glace.
Il s’exécute. Ça me surprend mais en bon ado, il doit penser qu’il a un essaim d’acné sur le nez et ça, mec ou nana, ça fait flipper ! Il se regarde, hausse les épaules.  
- File te donner un coup de peigne. On dirait que tu t’es coiffé avec les pattes du réveil !
Les deux me regardent, ahuris. Forcément. Forcément. Ils ont l’heure sur leur téléphone, plus besoin de l’apprendre. Les chiffres et les aiguilles, ça leur échappe alors de surcroît, un réveil posé sur ses deux pieds sur une table de chevet, ça n’existe pas dans leur univers.
- Je vais vous montrer
J’attrape mon ordi. Tape « réveil matin » mais trouve pas ce que je cherche.
- Maman on file on va être en retard !
J’en reviens pas. Je balaie toutes les propositions même celles d’Amazon. C’est dire. Rien. Je modifie et écris « réveil matin avec pieds ». Ça l’est pas. Je lis « Bien choisir son réveil matin pour se lever du bon pied » suivi par « 10 astuces pour se lever du bon pied ». Je rêve. Mon monde a disparu. Mon réveil et ses pattes aussi ! Je m’obstine, tape « images ». Enfin ! Le réveil à l’expression de mon enfance arrive loin derrière une flopée de sa descendance. Mon expression est en voie de disparition. Putain, c’était quand même drôle de dire « Alors ce matin mon chou, tu t’es coiffé avec les pattes du réveil ? », c'était vachement imagé, non ?